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AFRIQUE NOUVELLES

Un autre regard sur l l'Afrique et le monde.

LES INCANTATIONS DE LA BONNE GOUVERNANCE

Publié le 15 Juin 2017

LES INCANTATIONS DE LA BONNE GOUVERNANCE
LES INCANTATIONS DE LA BONNE GOUVERNANCE

« Les linges sales se lavent en famille », disait l’adage qui semble avoir inspiré le Tchad par les temps qui courent. Le discours officiel prend les accents incisifs et comminatoires pour tancer les personnalités peu orthodoxes de la République. Ces propos sulfureux traduisent-ils véritablement une volonté d’asseoir une bonne gouvernance ? Rien n’est moins sur.

Dans le cadre de cet article, j’ai choisi délibérément de faire l’économie des conceptions de la gouvernance qui ont jalonné la marche des pays en voie de développement comme le notre, tant et si bien qu’elles divergent et reflètent les paradigmes de chaque acteur. Les institutions de Bretton Woods, l’Union européenne, le PNUD, la BAD,…Néanmoins, pour l’essentiel la gouvernance à laquelle on a adjoint le qualificatif « bonne » s’entend comme l’adoption des mesures juridiques et institutionnelles tendant à encadrer les activités des acteurs (Etat, collectivités locales, établissements publics, entreprises privées, organisations internationales et celles de la société civile,…) Mon propos, lui, se limitera à la gouvernance publique stricto sensu. C’est dans ce sillage que les législations sont édictées, des institutions et organes crées urbi et orbi. Toutefois, institutions et règlementations ne pourront à elles seules assainir les comportements des gestionnaires. Comme par une baguette magique…La modeste expérience de la gouvernance dans notre pays en dit évidemment long.

On peut longtemps épiloguer sur notre quête de la bonne gouvernance, mais l’enjeu à mon sens est de s’arrêter sur la réaction des politiques face à l’évanescence voire au délitement de l’orthodoxie administrative et financière. Depuis des lustres, la haute hiérarchie se contentait de rameuter verbalement les responsables indélicats sans pousser la dynamique d’assainissement au bout. Avec l’exploitation de l’or noir, la prévarication et la gabegie sont allées crescendo et les plus hautes autorités ressassaient la même antienne. Comme si une remontée de bretelles suffisait, dans un pays où l’autorité de l’Etat est mise à rude épreuve. A cet égard, trois faits et non des moindres méritent d’être rappelés pour étayer mon propos.

Primo, fin 2014, lors des festivités de la liberté et de la démocratie, le Chef de l’Etat laissait entendre à l’endroit des fossoyeurs de la République : « S’il vous plait, arrêtez de voler ! » Il y avait là quelque chose d’inédit. Par le passé, le même Président tançait avec emphase les personnalités en rupture de ban avec la bienséance managériale. L’année dernière, il suppliait celles-ci de mettre un terme à leurs agissements abjects. J’ai recherché dans certains discours officiels s’il y avait un précédent, mais R.A.S. Il se pourrait que je me sois trompé, mais il s’agit là d’une incantation de la bonne gouvernance qui fait une diversion de plus et de trop. Ce sont, pour ainsi dire, des nuages et vents qui n’apportent pas de précipitations. Comprenne qui pourra…

Secundo, toujours dans le même discours sus indiqué, son auteur ayant pris la juste mesure des remous suscités par le très controversé code pastoral affirmait tout de go : « Je viens de prendre connaissance de ce code et je pense qu’il est injuste. J’ai demandé qu’on le retire. » Sacré IDI !!! Comment est-ce possible qu’il ne soit pas informé d’un projet de loi adopté en Conseil des ministres avant sa transmission à l’Assemblée nationale ? Il est de notoriété publique qu’il préside lui-même lesdits conseils…Comment retirer un Code voté par sa majorité mécanique qui n’attend plus qu’une promulgation de sa part ? Par quelle alchimie juridique opérer un tel retrait ? Ma modeste connaissance juridique en sort forcément brouillée. En effet, de mémoire de Juriste, jamais une loi adoptée ne fait l’objet d’un retrait. A moins qu’il ne s’agisse d’un acte règlementaire. Un projet de loi rejeté par la représentation nationale peut moyennant quelques amendements être soumis par le gouvernement à une deuxième lecture. Décidément le Président Déby a voulu théoriser et systématiser une nouvelle procédure législative dont il a seul le secret. Notre Loi fondamentale ne connait au stade actuel une telle possibilité. Sauf à me tromper…

Tertio, la célébration de la Journée de la liberté et de la démocratie a encore cette année offert une occasion au Président tchadien de « rappeler sa meute à l’ordre ». Dans son allocution de circonstance, il désigne l’année 2016 comme celle de la traque des agents indélicats. C’est vraiment du « Déjà entendu !!! » et l’opinion publique n’y accorde le moindre crédit. Nous assistons là à un mensonge d’Etat qui n’a pas le mérite d’être auréolé d’une once de vraisemblance. L’amateurisme politique de notre Président-général-sultan est donc à jamais saisissant. Les signes peuvent nous tromper : la chute des cours du pétrole doublée des coûts faramineux qu’implique la lutte contre le terrorisme pourrait l’inciter à assainir la gestion financière du pays ; le limogeage de son frère Salay à la tête de la Douane ferait penser à une reprise en main ;…Combien n’a-t-on pas vu des coups d’éclat et saupoudrages restés sans suite au Tchad ? Personnellement, je préfère pactiser avec le diable que de croire un système qui rechigne le changement. Un système qui ne se régénère pas et qui manifestement prospère dans la chienlit. Les incantations de la bonne gouvernance ne seront jamais à la hauteur des aspirations grandes et légitimes du peuple tchadien.

Puisse 2017 constituer pour nous une année charnière !!!

 

 

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